J’A-DO-RE entendre les québecois me conter leurs origines. A vrai dire, le plaisir est partagé car l’opportunité de rencontrer une française n’est pas toujours fréquente dans certaines villes de la province et ils sont ravis de se transformer en passeur d’Histoire le temps d’un récit.
Régions côtières et villes portuaires
Parmi les lieux fréquemment cités, on retrouve la Normandie, la Bretagne et la Vendée. Bien que certains historiens affirment que «la Nouvelle-France» fut peuplée essentiellement de Normands, cela est quelque peu erroné comme le mentionne Jacques Leclerc, linguiste et historien du québecois (lire ici). Nos amis les « vikings », comme j’aime pour ma part à appeler les Normands, représenteraient seulement 20% des émigrants français au Canada.
Pour les férus de chiffres et d’Histoire, ce pourcentage repose sur les statistiques de l’historien Stanislas A. Lortie, qui portent sur tout le XVIIe siècle.
Des noms qui sonnent d’ici
« Mon arrière grand-père était originaire de La Roche-sur-Yon »
Et dire que je connais à peine mes origines… A part ce qu’on a bien voulu m’en dire, je ne me suis jamais posée la question de savoir d’où je venais vraiment. Pour tout vous dire, je pense qu’une branche de ma famille a toujours vécu à la même place tandis que l’autre branche a des racines en Bretagne (au passage j’aime me dire Bretonne ! une sorte de revendication territoriale sur fond de nationalisme identitaire… très soft) et peut-être parisienne (bon à ce sujet j’ai souvent une amnésie volontaire !), toutefois de là à vous citer une commune en particulier…
Mais quand vous parlez à un québecois, LUI il sait d’où il est originaire, et de façon très précise.
Connaissez-vous Tourouvre ?
Non ?! Et vous vous dîtes français ?!
Sachez que de nombreux québecois connaissent ce petit village peuplé de 1500 âmes et qu’ils seraient même capables de vous le situez sur une carte. Ehhhhh oui madame !!!
Car nombre de Bouchard, Tremblay, Gagnon et autres Pelletier et Mercier sont autant de familles issues de ce patelin.
Alors quand ensuite on me conte l’histoire de ces ancêtres qui ont quitté la France pour s’implanter au Québec, qui ont sué sang et eau pour défricher et cultiver un lopin de terre puis qui se sont fait une place sur ce nouveau territoire, moi je dis chapeau ! Je deviendrais même un peu jalouse de ces origines pionnières…
Et si je donnais la chance à mes descendants de raconter une histoire d’émigrante française au Québec, au XXIè siècle ?! Je n’en suis pas encore là, mais qui sait ce que l’avenir nous réserve ?
Histoires de noms
Et si on revenait à nos moutons ?
Cet homme qui me parle de la Roche-sur-Yon, le voilà qui me parle de généalogie, d’ancêtres, de noms… Il s’appelle Jacques PROULX. Un nom de famille que j’ai déjà eu l’occasion de croiser en Normandie. Le voilà qui a traversé l’Atlantique.
Plusieurs versions existent concernant ce nom qui, comme plusieurs autres, se termine par un X (voir LX) qui semble n’avoir aucune utilité (on prononce prou tout simplement). Voici l’histoire que l’on m’a contée et qui me plaît tout particulièrement pour l’évolution qu’elle propose d’un nom de famille au cours des âges.
Il faut savoir que les patronymes n’existaient pas avant l’époque du Moyen Age et sont tous issus au départ d’un surnom individuel définissant notre ancêtre. Ces surnoms peuvent tous être classés dans une des quatre grandes catégories suivantes :
- évoquant le nom de baptême du chef de famille
- évoquant l’origine géographique
- traduisant le métier
- traduisant un sobriquet lié à une qualité physique, morale ou sociale.
Le patronyme Proulx viendrait de cette dernière catégorie. Prou est un adverbe provenant de l’ancien français preu signifiant être utile, profitable. En tant qu’adjectif, il a une valeur toujours laudative (louangeuse) et appliqué à l’homme, il signifie ‘au sommet de la hiérarchie des valeurs morales’ (vaillant, poli, noble, etc). Rien que ça…
Ainsi, il est très plausible qu’originellement le patronyme ait été tantôt Preu(x) (adjectif) tantôt Prou (adverbe) soit indistinctement ou soit en tant que variante locale. Ensuite, de ce(s) patronyme(s) seraient apparues les variantes Préaux, Prowles, Proust, Prost, Proux, Proulx, etc.
Concernant les pionniers arrivés en Nouvelle-France et mariés entre 1669 et 1676, le patronyme Prou est ainsi libellé sur les registres paroissiaux. Son écriture semble avoir évolué par la suite. Une hypothèse suggère que nos ancêtres étant souvent illettrés, ils apposaient un x comme signature après la barre oblique que le notaire plaçait à la suite du nom sur l’acte officialisant une transaction comme par exemple ci-après : Signé Pierre Prou/x. D’où l’apparition du nom Proulx. Pour valider cette hypothèse, il faudrait répertorier un certain nombre d’actes notariés…. ce qui reste à faire.
Pour aller plus loin
Les origines familiales des pionniers du Québec ancien
Plus d’informations sur la commune de Tourouvre
Votre ancêtre vient de Normandie
Et que signifie « Québec » en Normand ? textuellement « quel fleuve » – exclamatif – !
Qué (Normand Roman « Ké ») pour Quel (Francien)
Bec (Normand Norrois « Berkkr ») pour rivière, fleuve, cours d’eau (Francien)
Les Normands qui fondent Québec sont des marins et navigateurs aguerris en provenance de Honfleur (sombre fjord) et de Harfleur (Harald fjord) deux villes fortifiées en vis à vis par les vikings en baie de Seine (fleuve à large embouchure).
Hors lorsqu’ils voguent sur le fleuve St Laurent ils pensent être encore en mer et non sur un fleuve tellement celui-ci est d’une largeur exceptionnelle.
Décontenancés et médusés ils s’exclament alors Qué bec ! prononcer kébek encore utilisé et compris de nos jours.