3 tubes de peinture sur la table, une feuille blanche, des pinceaux… et vous souhaitez que je réalise une œuvre d’art à partir de ça ? Intuitive qui plus est ? Vous êtes pleins d’espoir, vous rêvez dites-moi !!!
Zut… Crotte de bique… Tarabistouille ! Voilà que j’ai échappé ce fameux mot porteur de tant de promesses : rêver. Rêver est pour moi une nécessité, un passage nécessaire pour avancer. Je considère que les rêves sont faits pour être réalisés, qu’il n’y en a pas de trop grands… Alors d’un côté je vous dis « c’est impossible. Vos attentes sont trop importantes » et de l’autre j’ose asséner « tout rêve n’est jamais trop grand pour exister et prend pied dans la réalité ». Un peu de cohérence, que diable !
Je vais donc m’appliquer à harmoniser mon discours et mes actions. Je me lance dans cette nouvelle mission : réaliser une peinture intuitive.
Je ne suis pas une artiste
Les doutes reviennent tout de même à l’assaut. Que de grands mots : peinture = art = artiste. Je sais à peine tenir un pinceau… Les couleurs primaires, les voici : jaune, bleu, rouge. Les couleurs complémentaires… ouille ouille ouille… le temps des cours d’art plastique est loin… A part la peinture à l’eau, le reste m’est que vague connaissance. Me voilà avec de la peinture à l’huile. Que voulez-vous que j’en fasse ?
Pour l’intuition, c’est encore autre chose. Mon ego se bat avec elle à longueur de journée, au point de ne pas toujours être en mesure de les distinguer, les séparer et les harmoniser. Comment savoir où se cache celle-ci ? Il va falloir l’amadouer, lui faire une belle place tout belle et accueillante si je veux qu’elle me rende visite…
Jouer avec les couleurs
Une sorte de truelle à la main, je commence à jouer avec ces couleurs primaires. Lesquelles captent mon attention ? Le bleu et le rouge s’assemblent en un instant formant un violet sombre et tout à la fois lumineux.
3 tas sur une feuille marquent le début de ma palette de couleurs. Je décline ma teinte de base, son ombre et sa lumière. Les dosages de blanc se font au feeling. Si le rendu me plait, je garde, si le résultat doit évoluer, je continue.
Enfin, une dernière colonne accueille la 3ème couleur jusqu’alors ignorée. Au violet vient s’opposer un jaune plutôt vert. J’aime ce que je vois. Cette palette me représente en cet instant T.
Après une pause pour laisser ces premières sensations se diluer, il est désormais temps de faire place à l’œuvre.
Munie d’un pinceau, j’applique sur ma toile nombre de tâches colorées. Ici, la toile me crie « bleu clair », là-bas le sombre se fait la part belle. De temps en temps, je tourne mon support et reprends mes tâches. Je ne cherche pas à interpréter cette ensemble coloré. Je veille juste à ce que cela résonne en moi. Que je me sente bien face à cette œuvre qui nait petit à petit sous mes doigts.
Barbot(er)
Quand le temps me semble venu d’en rester là, je saisi un pinceau fin et passe à l’étape du barbot. Je trace un trait qui s’enroule, se déroule sur la toile, et revient à son point de départ.
Danser avec la toile
Il est désormais temps de prendre du recul. Laisser l’œuvre nous parler. Face 1 : RIEN. Je vois un ensemble de tâches : du vert, du bleu, du violet… un trait comme un gribouillis. Passons à la suivante : face 2. Je discerne les contours d’un bébé qui dort. Cela ne me dit rien. Ne me parle pas. Je décide de l’ignorer. Face 3. Un oiseau ? Un chapeau ? Un profil ? Plusieurs possibilités s’offrent à moi. Mais ce n’est pas ce que je cherche. Enfin, la face 4 m’offre quelque chose qui me plait, qui me parle, qui trouve sa résonance en moi. Je comprends enfin ce que signifie « peindre de façon intuitive ». Tout est là. Devant mes yeux. Désormais, à moi de faire la part belle à cette femme qui danse, à cet oiseau inachevé, à cette plume colorée, à cette tâche sombre qui n’a pas encore trouvé sa place.
Un pinceau à la main, j’estompe les traits qui me semblent inutiles. J’accentue les couleurs, les formes et les traits qui, au contraire, me parlent. La jupe de la danseuse prend de l’ampleur. Elle est plus souple et plus large que je ne l’avais perçu au départ. L’oiseau est beau, rond, bleuté. Le rouge se fond désormais avec son plumage. La plume est grande, elle prend de la place, son contour doit être précisé. Armée de blanc, je lui fais prendre vie sous mes yeux.
Une drôle de tâche sombre violacée attire mon regard en haut du tableau. Au départ, j’y vois un loup. C’est sombre. Je veux le faire disparaître, et en même temps il est là. Ou serait-ce un oiseau ? Mon pinceau à la main, j’éclaircis les contours, reforme l’animal. On dirait plutôt une vache. Puis, tout à coup, l’évidence est là : c’est une chèvre !!! Désormais, cette tâche sombre et apeurante devient familière, amicale, souriante. Cette chèvre a tout son sens dans ma toile, je la garde, précise son tracé. J’ai le coeur gai.
Une partie du barbot reste là, en bas de la toile. Il a sa place, c’est certain. J’ai insisté pour le tracer tout à l’heure. Mais qu’est-ce ? Un œuf ? Pas certaine ? Alors quoi ? Il faut attendre, laisser reposer l’idée.
Je fignole la toile. Des feuilles apparaissent, les tracés sont plus nets, les couleurs sont renforcées.
Une oeuvre qui se révèle
Après 2h d’atelier, il est temps d’arrêter. Je suis fière de cette œuvre. Elle me parle tellement ! Le message est là, personnel, et seule devant ma toile, sans technique intuitive, elle ne serait jamais née et apparue à moi.
Mon être est serein, je souris. Cette réalisation est un beau cadeau.
Sur le chemin du retour, je repense à cet œuf qui n’en est pas un. Une image m’apparaît alors clairement : il s’agit d’un chat roulé en boule, qui ronronne de bien-être. Il m’attend désormais pour prendre toute sa place… Ce sera la prochaine et dernière étape : mettre le dernier coup de pinceau sur la toile pour ensuite la contempler, et la laisser résonner en moi.
Mon intuition a parlé. Je l’ai écoutée. Le résultat est beau, personnel, artistique. Il restera à la retravailler doucement, patiemment, dans les prochains jours… Que l’aventure continue !
Bonjour intuition
Je t’ai cherché longtemps, plusieurs années même
Je voulais te connaître, te contrôler, te faire créer des merveilles
Je voulais te voir docile, toujours prête à t’exécuter
Par accident, je t’ai trouvée sans savoir que tu étais là
Ce jour-là j’avais cessé d’être les autres, pour être moi-même
Avec le temps, j’ai appris à te connaître, à te faire confiance
C’est la seule façon de te faire parler.
Si je devais te donner un nom, je t’appellerais » Mule »
Plus on te pousse, plus on te tire et moins tu avances.
Je pourrais aussi te nommer » Créativité, Expression «
Maintenant j’aime te découvrir, me surprendre
Tu m’inventes des histoires, des couleurs et des formes
En mettant de côté toute réflexion, toute interprétation
Je te retrouve de plus en plus souvent.
Je suis fier de toi, quand tu déjoues mon mental
Je ne peux pas te contrôler, seulement t’apprivoiser
En te créant une atmosphère, un décor
Comme le calme, la passion, la nature, la méditation
Mon désir de tout connaître avant de m’exécuter
T’empêche souvent de travailler avec moi.
Quand je te fais confiance, fini les pages blanches
Un mot attire un autre mot, une couleur attire une autre couleur
Tu peux être aussi sans merci
En prenant possession de moi des heures et des heures
J’y découvre alors ce qui est inscrit au plus profond de mon âme
Je sais que tu es le maître de ma vie
Pour te sentir à nouveau je dois cesser de chercher
Être seulement moi-même
Merci intuition !
Texte de Marcel Gagnon
Bonjour Stéphanie,Quel beau texte, et félicitation tu t’es bien donnée à ton expérience tu es fière bravo.C’est incroyable mais vrai tous peuvent le réaliser.